Justice & Paix à Béthel !

La Commission diocésaine Justice & Paix – Liège a délocalisé sa réunion mensuelle pour venir à la rencontre de la maison d’accueil et centre spirituel Béthel. Huit membres, dont le délégué épiscopal Guy Schyns, avaient fait le déplacement jusqu’à Burnontige.

L’objectif de la matinée était de découvrir Béthel et sa mise en oeuvre de l’encyclique Laudato Si’. Après avoir écouté la responsable Cécile, l’aumônier Michel Capé, c’est guidé par Mireille que la Commission a pu découvrir la maison.

La visite s’est achevée par un repas partagé que les hôtes de Béthel avaient préparé. Une expérience à revivre !

Dominique Servais, commission Justice & Paix du Diocèse de Liège.

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À vos agendas…

Témoignage de Nicole à la journée des « Femmes en chemin »  à Bethel en octobre 2022 

Une famille ukrainienne a croisé mon chemin  : « Je sais que Tu es là Esprit Saint »

Quand l’exode des Ukrainiens a commencé en début d’année, je me suis sentie tout de suite concernée. 

Mes grands-parents ont fui la guerre dans le sud de la France où ils ont été généreusement accueillis et j’ai toujours gardé dans le cœur une grande reconnaissance pour ces personnes qui font partie de mon histoire. 

Mais je vis sous le même toit que Mario  qui souffre d’une maladie psychiatrique assez invalidante, ce qui le rend plus figé dans ses habitudes avec des difficultés de communication. Je lui ai parlé de mon désir tout en me disant qu’avec lui c’était mission impossible.

Surprise ou miracle, deux jours plus tard il me propose de faire la démarche d’accueil et je vois que c’est son cœur qui parle. On en discute le week-end, on confie l’affaire à jésus puis on se lance en s’inscrivant sur une liste d’attente à la commune.

Pas plus d’une semaine plus tard, on reçoit l’appel où on est invités à venir accueillir nos réfugiés.

L’attente est longue à l’espace 29, le car est très en retard, on ne sait toujours pas combien de personnes on accueille, homme ou femme, enfant, jeunes gens. Etrange expérience, un temps suspendu, un grand saut dans l’inconnu. Ma seule demande lancinante comme la prière du pèlerin : fais qu’on soit capable de s’aimer au-delà de nos différences. 

Le car arrive, les gens débarquent et s’installent pour se restaurer. Arrive le moment des attributions. Pour nous ce sera une famille :

  • La maman Nina, grande poupée russe, physiquement mon exacte opposée, au teint pâle, aux cheveux noirs geai, aux cils et aux ongles démesurément longs. La grande mode en Ukraine.
  • Le papa homme de type caucasien fier et nerveux, il a fui la Géorgie en guerre. En Ukraine, il a épousé Nina, adopté Masha que le papa n’a pas voulu reconnaître…et ne veut pas connaître.
  • Masha, charmante enfant de 10 ans intelligente, très sociable même si timide, obéissante (ça m’épate souvent !)

Premier contact pas simple : on a préparé des phrases en ukrainien. Pour le retour à la maison, Mario a eu l’audace de faire trôner l’icône de Jésus miséricordieux à la salle à manger, ils en sont très touchés et le manifestent bien. Mario a aussi tiré un petit pain qu’on découvre seulement à ce moment : « ET JESUS, EN PERSONNE, CHEMINAIT AVEC EUX ».

Premier drame : Jaba est gros fumeur et Mario gros fumeur abstinent. Deux nerveux qui débattent dans des langues différentes d’un problème qui les prend aux tripes. Nina et moi comprenons que les négociations ne seront pas si simples. Nos regards se croisent et mon exacte opposée devient ma semblable. J’essaie de diminuer mon inquiétude.  Jésus miséricordieux semble me sourire. Mario et Jaba pour ce soir trouvent un terrain d’entente.

Je ne m’étendrai pas sur les démarches administratives, longues et ennuyeuses qui demandent beaucoup de disponibilité. Mario et moi nous les sommes bien partagées et nous avons eu souvent l’aide d’une interprète très disponible.

La cohabitation s’installe dans le souci du respect mutuel. La communication est compliquée, il même si le traducteur nous aide bien mais il s’y perd dans les accents, expressions différentes…Il faut vérifier qu’on se comprend bien, régler les problèmes le plus vite possible.  Pour dire vrai, c’est Nina et moi qui nous attelons à ça très régulièrement et cela au fil des mois nous prend de moins en moins de temps. 

Viennent aussi les recherches d’emploi et d’appartement qui n’aboutissent pas ou ne leur conviennent pas. Il nous faut les laisser libres de choisir. Viennent aussi les questions suscitées par le prolongement de l’hébergement. Nous avions signé pour 2-3 mois.

Une seule chambre pour trois : Jaba dit nous sommes très heureux de ce que vous nous offrez, nous sommes de réfugiés.

  • C’est parfois très fatigant. Un soir de tempête intérieure, dans le coin de prière je dis jésus j’en ai marre…que vas-tu me dire ? Je tire un petit pain de la Parole : QUE VOTRE CŒUR NE SE TROUBLE PAS…Oui mais encore…

Je relis Jean chapitre 14 : « Croyez en Dieu, croyez aussi en Moi. Le Père vous donnera l’Esprit de vérité. Je vous laisse la paix,  je vous donne Ma paix » …et comme la marée qui remonte doucement, la paix revient.

A un autre moment de lutte : «  LE SEIGNEUR REPREND CELUI QU’IL AIME. » En fait, j’attendais un mot de consolation !

Jaba a eu un comportement que je juge excessif, injuste et je suis furieuse. Le soir je ne le vois pas et je dis à Nina « tu lui feras quand même un bisou de ma part ». Nina monte et aussitôt j’entends Jaba descendre en courant « Pardon maman ». On ne m’a jamais dit ces mots de cette façon ! J’ai accueilli son accolade et ma colère a fondu comme neige au soleil !

Tout cela génère beaucoup de stress pour Mario, ce qui inquiète d’ailleurs sa psychiatre…et Dieu aussi !

Je souhaitais laisser occasionnellement ma voiture et cela mettait Mario dans un état de stress que je ne mesurais pas et que je ne voulais pas voir. J’ai donc fait les démarches pour que Jaba puisse prendre ma voiture dans les règles de la loi. Quelques jours après, je reçois un appel de la commune : le permis de conduire de Jaba ne peut pas être validé…et Mario remercie Dieu d’avoir entendu sa prière.

Malgré tous ces stress, après une altercation assez virulente entre nous où il me reprochait de toujours les défendre et où je lui reprochais d’être trop dur avec eux et où je mettais en cause son traitement, après que j’ai prié pour que cela ne le déstabilise pas encore plus, Mario a décidé de diminuer sa camisole chimique et la psychiatre lui a donné son aval et ses encouragements. La connaissant un peu, ça tient du miracle !

Mais beaucoup plus que les raisons de fatigue et de luttes ce que je retiens :

  1. Les nombreux fou-rire à cause de nos incompréhensions cocasses : Jaba traduit le crapaud ou quand Nina est exaspérée par nos 2 lascars et qu’elle me mime la scène d’une râlerie de Mario ou d’un débordement de Jaba. J’ai pleuré de rire longtemps tout en me disant que cela n’était peut-être pas très charitable.
  2. Les mots de bénédiction et de gratitude qu’ils prononcent tellement plus facilement que nous. Bénédiction pour la nature, pour les rencontres, pour nos familles, pour nos ancêtres…surtout Jaba ça lui est tellement naturel.
  3. Le travail partagé avec Nina toujours dans la bonne volonté et la bonne humeur.

Le nettoyage même si on n’a pas les mêmes façons et les mêmes priorités

  1. La cuisine que je lui laisse volontiers en faisant quand c’est nécessaire le commis. Elle aime passer du   temps à cuisiner, cela lui occupe l’esprit…et ce qu’elle prépare est très bon, Mario pas du même avis. Il a encore du mal à partager le fourneau sans râler, autant que Jaba a du mal à se faire à nos menus occidentaux.
  2. Je retiens tous les travaux exécutés par Jaba dans la maison, dans le jardin. Il nous a même repeint la façade.       Je n’ai jamais été aussi gâtée mais, parfois il veut en faire trop. Il veut me faire une belle surprise en améliorant le parterre de fleurs sous la fenêtre de la cuisine. Je ne comprends pas ses explications et je lui dis « Je te fais confiance ». Mais quand je vois le résultat je suis consternée et n’ose pas le dire. Je me sens comme dépossédée de mon jardin. Nina s’inquiète, prend le temps de comprendre la situation « Pas de raison que tu sois bouleversée » et s’en va. 

Deux minutes après je vois Jaba au jardin en train de tout remettre en place, plantes déplacées, évier en pierre…et s’assurer que je suis contente du résultat.

  1. Les moments de tendresse partagée avec Nina et Masha :
  1. Quand elles sont joyeuses parce qu’elles sont pleines de vie, de résilience, de gratitude, de projets simples. 
  2. Ou quand elles sont tristes ou découragées parce que malades. Elles sont vite inquiètes face à un problème de santé.  Ou parce que les nouvelles d’Ukraine sont mauvaises ou que Babouchka pleurait dans sa cave quand elles lui ont téléphonée.

Les moments de tendresse avec Jaba sont plus rares mais tellement touchants.

Par exemple, je rentre d’une semaine de pèlerinage à Medjugorje . L’avion a du retard et j’arrive à la maison à 4h du matin. J’ai droit à des HOURRAS quand je me lève.  Nina me dit que Jaba est allé voir souvent si j’étais rentrée.

Je leur offre une carte format de banque avec une image de Marie avec les 5 cailloux plus une phrase en russe.

L’émotion est intense. Jaba reste blotti sa tête contre ma tête pendant un long moment. Les larmes plein les yeux « Merci maman », il remercie le ciel et moi je remercie Marie. Jésus chemine avec nous comme Il nous l’a promis et Marie nous accompagne de toute sa douceur, sa tendresse sur ce chemin qui nous paraît trop rude parfois, qui a paru trop rude à certains ce qui les a amené à renoncer…et loin de moi l’idée de les juger.

Par nos seules forces, on se sent tellement incapables d’accueillir pleinement l’étranger. 

Et saint Paul nous encourage un jour de cette façon avec un petit pain tiré :

« Ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile, pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non de nous. » 2 Corinthiens 4,7.

Et m’est revenue cette autre parole de Saint Paul dans la lettre aux Hébreux :

« N’oubliez pas l’hospitalité car c’est grâce à elle que quelques-uns à leur insu hébergèrent des anges »

…non pas parfaits ☺ mais envoyés de Dieu pour nous faire redécouvrir ce qu’est la bénédiction, la gratitude, le courage, la joie de vivre, la détermination aussi : quand la guerre sera finie, ils repartiront et reconstruiront avec leurs concitoyens !

Mais hélas, nous n’en sommes pas là. La guerre risque de durer beaucoup plus qu’on ne le pensait et la Belgique prend des dispositions pour prolonger leur statut de réfugiés. La Province met à leur disposition des hébergements collectifs où les familles qui ne souhaitent pas s’intégrer peuvent se regrouper.

Le CPAS vient de leur proposer un ancien hôtel à Vaux sur Sûre où 10 familles ukrainiennes vont s’installe. Nos amis ont signé l’accord fermement même si je les sens nerveux et inquiets. La soirée d’hier a été un peu morose. Mais nous entrons dans une nouvelle étape de cette belle aventure qui s’inscrit déjà dans l’éternité.

Que Dieu les bénisse